Chômage : de nouvelles règles pour l’indemnisation des frontaliers ?

Alors que le régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi frontaliers s’enfonce dans le rouge, le gouvernement pourrait, dans le cadre des discussions actuelles sur le budget, revoir les règles concernant le versement de l’allocation chômage des frontaliers.

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Demandeurs d'emploi en salle d'attente

800 millions €. C’est le montant du déficit annuel lié à l’indemnisation des chômeurs ayant perdu leur emploi de frontalier, selon le dernier rapport de l’Unédic. En effet, comme on vous l’expliquait ici, un travailleur frontalier qui perd son emploi en Suisse est indemnisé en France par Pôle Emploi, auprès de qui il est censé s’inscrire.

 

Il bénéficie donc des mêmes droits au chômage que s’il avait exercé son activité en France, et cela quand bien même les cotisations d’assurance chômage ont été versées en Suisse.

Un système structurellement déficitaire

Si un système de compensation financière est prévu par la réglementation européenne, elle ne suffit pas à couvrir les dépenses liées à l’indemnisation des demandeurs d’emploi. C’est ainsi que le surcoût a représenté 803 millions € en 2023 : alors que l’administration suisse reversait 200 millions d’euros à Pôle Emploi, celui-ci devait débourser 1 Md€ en allocation chômage pour les frontaliers.

 

Des frontaliers mieux indemnisés et un système de compensation déséquilibré

Si les frontaliers ne sont pas plus touchés par le chômage, ils sont d’abord mieux indemnisés, du fait des salaires supérieurs qu’ils touchent en Suisse. Ils perçoivent ainsi en moyenne 2 670 € par mois en 2023, contre 1 265 € pour l’ensemble des allocataires indemnisés en France par Pôle Emploi.

Mais c’est surtout le système de compensation qui explique ce déficit. En effet, l’État suisse ne doit compenser que l’équivalent de 3 à 5 mois d’allocations chômage au pays de résidence, quand dans les faits, l’indemnisation des allocataires frontaliers dépasse largement cette durée, ce qui provoque ce lourd déficit, estimé à près de 10 Md€ depuis 2011.

Enseigne France Travail

Les pistes étudiées par le gouvernement

Première idée évoquée par le gouvernement, revoir ce système globalement déséquilibré. Si la ministre du Travail a exprimé son intention de s’attaquer à ce problème, la révision d’un règlement européen peut prendre du temps. Les intérêts des pays membres de l’UE mais aussi de la Suisse sont loin d’être convergents, car les états qui accueillent de nombreux travailleurs français (Suisse, mais aussi Allemagne, Luxembourg, Belgique) profitent à l’inverse de ce système.

C’est pour cela qu’une autre piste a été évoquée, qui consisterait à revoir la définition de l’offre raisonnable d’emploi pour les frontaliers. Rappelons en effet que pour continuer à être indemnisé, un demandeur d’emploi ne peut refuser indéfiniment des offres d’emploi qui lui seraient proposées, sauf pour des motifs légitimes, tels que le niveau de salaire. Or, quand on a été frontalier, il est dans les faits quasi impossible de retrouver un emploi en France au même niveau de rémunération qu’en Suisse. Il est ainsi plus “facile” pour un frontalier de prolonger sa recherche d’emploi en invoquant ce motif légitime.

 

C’est cette règle qui pourrait donc être revue par le ministère du Travail. Concrètement, les demandeurs d’emploi frontaliers ne pourraient plus invoquer le seul motif de la rémunération pour ne pas accepter un poste en France, et le versement de leur allocation chômage pourrait être ainsi plus rapidement suspendu. Une option qui, même si elle s’avérait bénéfique pour les comptes de l’assurance chômage, va clairement à l’encontre des intérêts des frontaliers.