Logement des frontaliers : quelles tendances pour l’immobilier en Haute-Savoie ?

Entre pénurie de biens, loyers en hausse et nouvelles contraintes réglementaires, le marché immobilier en Haute-Savoie est plus que jamais sous tension.

David Rousset, conseiller immobilier chez Square Habitat à Annemasse, intervient depuis plus de 25 ans sur un secteur assez large et particulièrement prisé par les frontaliers : de Saint-Julien-en-Genevois au Chablais, jusqu’au Pays Rochois et à Evian, en passant par la Vallée Verte, avec Bonneville comme limite. Il nous partage son expertise sur le terrain et livre ses conseils aux frontaliers.

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Portait de David Rousset, , conseiller immobilier chez Square Habitat

Quelle est la proportion de frontaliers dans votre clientèle ?

C’est très élevé. On estime que 70 à 80 % de notre clientèle est constituée de frontaliers, notamment sur la partie location. On observe une arrivée massive de nouveaux habitants, attirés par les opportunités de travail en Suisse. Ils étaient plus de 16 000 en 2024, soit l’équivalent d’une ville moyenne. C’est tout simplement énorme.  Ils travaillent principalement autour de Genève, dans la zone aéroportuaire ou industrielle de Plan-les-Ouates, mais aussi jusqu’à Lausanne. Beaucoup sont prêts à faire davantage de kilomètres pour trouver un logement.

Comment évolue le marché immobilier début 2025 ?

Les prix à la location se sont littéralement envolés ces 12 derniers mois. Un T2 se loue désormais entre 900 € et 1 200 € pour 50 m² dans le privé, ce qui montre une vraie inflation. Sur la vente, c’est paradoxal : la remontée des taux d’intérêt a freiné les projets, et beaucoup de locataires repoussent leur achat. Résultat, le marché est bloqué : peu de ventes, peu de logements libérés, peu de constructions neuves… Et une demande qui reste très forte.

Quelles sont les zones les plus tendues ?

Les communes proches des transports en commun – tramway, Léman Express, bateaux pour le Chablais – sont ultra-recherchées. Ambilly, Gaillard, Villy-le-Pelloux, Archamps : dans ces villes, c’est très simple, il n’y a quasiment aucune offre. Annemasse est en pleine mutation, avec le développement des mobilités douces qui permettent de rejoindre Genève sans prendre sa voiture. Alors aujourd’hui, les frontaliers s’éloignent : La Roche-sur-Foron, Reignier, la Vallée Verte, voire Bonneville sont devenus des marchés de report. Mais même là, la tension commence à se faire sentir.

Quels types de biens manquent le plus ?

En location, c’est du jamais vu : quasiment aucun bien disponible dans le Genevois français. Pour les petits logements (T1, T2), il y a une vraie pénurie, en partie à cause des règles d’urbanisme qui limitent leur construction à Annemasse. Les T2 sont pourtant très recherchés, aussi bien en location qu’à l’achat, car ce sont les produits les plus accessibles. En maison, c’est pareil : très peu de mandats de vente, et une demande forte, surtout jusqu’à 500 000 €. Au-dessus, les budgets sont plus difficiles à réunir.

Rue de la Roche sur Foron, Haute Savoie

L’impact du nouveau DPE (diagnostic de performance énergétique) joue également. Sur Annemasse, le parc immobilier est ancien, souvent mal isolé, avec beaucoup de logements classés E, F ou G. Cela bloque les ventes : les futurs propriétaires doivent anticiper de gros travaux, parfois très coûteux. Et cela complique également la donne pour les bailleurs : interdiction d’augmenter les loyers, impossibilité de louer des logements classés G… Cela freine l’investissement locatif, même s’il est évidemment nécessaire de rénover le parc locatif.

Et côté construction et lancement de nouveaux programmes ?

L’arrêt du dispositif Pinel a réduit l’offre de logements en location avec loyers encadrés. Et les communes veulent ralentir la délivrance de permis pour contrôler la croissance. On voit se développer des projets en Bail Réel Solidaire (BRS) : à Annemasse Agglo, 30 % des nouveaux logements sont en BRS, 30 % en social, 30 % en accession libre. Le BRS est une vraie solution pour les ménages avec des revenus intermédiaires. Mais globalement, le neuf se développe surtout en dehors du bassin genevois, ce qui participe à l’étalement urbain.

Quels conseils donneriez-vous à un frontalier en quête de logement ?

Il faut être patient, mais aussi très réactif. Avoir un dossier béton, prêt à l’envoi, car un bien peut générer 70 contacts en une journée. En location, ça va très vite. Ne pas hésiter à s’éloigner un peu, tout en gardant à l’esprit que même là, la tension augmente.